Burundi : Des médias des jeunes face au défi financier

Burundi : Des médias des jeunes face au défi financier

21 février 2023 0 Par egide

Animés par l’esprit entrepreneurial et la volonté de réformer la presse, de plus en plus de jeunes Burundais créent leurs propres médias.  Cependant, certains de ces jeunes font face au manque de moyens financiers pour assurer le fonctionnement de leurs médias.

Iris News et Shikiriza parmi les nouveaux médias fondés et gérés par des jeunes burundais

Thibilisse Nkurunziza, 28 ans, est désespéré. « Nous avons lancé notre média sans bureau, sans ordinateur, enregistreur, caméra, site web et autres matériels nécessaires pour la collecte, le traitement et la diffusion de l’information. Deux ans après, le manque de moyens financiers nous fait toujours défaut », regrette le fondateur et directeur des publications du journal en ligne Shikiriza.

Pour assurer son fonctionnement, ce journal dédié à la promotion des jeunes et des femmes  profite des cotisations mensuelles de ses 5 membres et des dons de certaines âmes charitables. Insuffisant. « Avec ces moyens, nous avons créé un site web, mais nous avons des difficultés à payer son hébergement. »

Crée en 2020, le journal Shikiriza a fait des émules. En mars 2022, le Conseil national de la communication (CNC) a agréé sept nouveaux médias , dont la plupart créés par des jeunes avec des lignes éditoriales visant à parler de la jeunesse.

Thibilisse Nkurunziza regrette que des jeunes médias ne soient pas priorisés dans les financements destinés aux médias burundais. Il déplore que même le fonds d’appui aux médias (voir encadré) mis en place par le gouvernement semble ignorer les médias qui « se cherchent encore ».

Il fait savoir que son équipe, composée de jeunes bénévoles, n’a pas de moyens pour se payer des formations en journalisme : « Même les offres de formations gratuites sont souvent destinées aux médias anciens ». Une solution selon  lui : redynamiser la Maison de la Presse , cet organe indépendant de promotion d’une presse libre et professionnelle, pour qu’elle soit capable d’organiser des formations régulières pour les jeunes journalistes et les jeunes médias.

Autre média confronté au manque de moyens financiers :  le journal anglophone Iris News. Crée en 2022, ce média accompagne les jeunes dans leurs efforts à entreprendre pour gagner leur vie, créer de l’emploi et ainsi contribuer au développement du Burundi.

Selon son fondateur et directeur, Guillaume Muhoza, 25 ans, Iris News souffre de sa jeunesse dans le paysage médiatique burundais : peu de gens ont confiance. « Cela nous empêche d’avoir les moyens pour se rendre sur terrain afin de traiter certaines informations. » En outre, il peine à varier son offre d’information en intégrant des formats innovants (vidéos, infographies, vlogs).

Une volonté de réformer la presse burundaise

Face à ce manque de moyens, ces jeunes entrepreneurs de presse cherchent des solutions. Plutôt que de dépendre de subventions des ONG et des ambassades, il faut s’autosuffire : « il faut établir des stratégies pour que nos médias survivent à partir des publicités et des abonnements en ligne. Il y en a des médias kényans qui fonctionnent comme ça et se portent bien » constate Thibilisse Nkurunziza du journal Shikiriza. En bref, être créatifs et innovants pour changer la donne.

« Il faut établir des stratégies pour que nos médias survivent à partir des publicités et des abonnements en ligne »

Thibilisse Nkurunziza du journal Shikiriza

Encore faudrait-il que le public ne soit pas perturbé par trop de nouveautés. Les consommateurs d’information préfèrent les anciens médias. Mais aussi les sources, surtout officielles. Difficile dans ces conditions de s’affirmer dans le paysage médiatique burundais. « Si on ne nous crédite pas assez, c’est souvent à tort, car nous tenons à la rigueur professionnelle dans le traitement de l’information » soutient Guillaume Muhoza.

Il dénonce que la jeunesse burundaise soit souvent décrite comme désabusée, oisive, individualiste : « La voix des jeunes est souvent confisquée. Ce sont les adultes qui parlent à la place des jeunes, la voix de l’adulte apparaissant comme la plus légitime ». Pour lui, il est plus urgent d’encourager les jeunes à occuper des espaces d’expression souvent inexploités.

 

Quid du fonds d’appui aux médias ?

La loi sur la presse burundaise de 2018 prévoit la mise en place d’un fonds de promotion pour appuyer les médias burundais. Selon l’article 60 de cette loi, les organes burundais de presse et de communication bénéficient de ce fonds de promotion. Les ressources du fonds proviennent notamment des dotations budgétaires annuelles de l’Etat et des concours des bailleurs de fonds.
Ce fonds d’appui aux médias peine encore à avoir des moyens suffisants pour soutenir la plupart des médias burundais. Cependant, à travers le même fonds, le ministère de la Communication et des Médias a procédé, le 15 septembre 2022, à la remise de 25 ordinateurs et 14 enregistreurs aux médias publics et privés sélectionnés par une commission de ce ministère.
Les médias qui devraient bénéficier de ce matériel sont notamment ceux qui sont moins équipés, ceux ayant de faibles revenus ou les jeunes médias. « Nous n’avons pas bénéficié de ce matériel donné par le ministère alors que nous devrions être prioritaires », fustige Thibilisse Nkurunziza.
Selon le secrétaire permanent au ministère de la Communication et des Médias, Ferdinand Manirakiza, le fond d’appui aux médias est pour le moment alimenté à hauteur de 115 millions de FBu par le gouvernement du Burundi : « Pour concrétiser le soutien à la promotion de la presse libre et efficiente, l’exonération à l’importation du matériel d’équipement pour les organes de presse publics et privés prévue dans la loi sur la presse au Burundi en son
article 59 a été mise en place ».